Il y a une partie de ma vie que je n’ai jamais révélée, mais qui a joué un rôle déterminant dans la personne que je suis aujourd’hui, et qui continue d’influencer mes aspirations les plus profondes. Le 1er mai 2022, jour de la fête du travail au Bénin, comme dans de nombreux autres pays, a été pour moi une occasion de réflexion sur ce mot « Travail » qui a pris, au fil des années, une place prépondérante dans ma vie. Le droit du travail, en particulier, est devenu une cause à laquelle je consacre une grande partie de mon militantisme. Autant ce mot m’inspire, autant il éveille en moi des souvenirs douloureux. Vous vous demandez peut-être pourquoi? La réponse réside dans un passé marqué par des expériences difficiles qui ont façonné mon rapport au marché de l’emploi, au milieu professionnel et à ses acteurs.
Récemment, quelqu’un m’a demandé pourquoi j’avais choisi d’étudier le droit et les sciences politiques, et ce qui m’avait conduit à faire carrière dans le domaine social. Ma réponse a été simple : mon désir d’étudier le droit et les sciences politiques remonte à bien longtemps. Dès l’âge de 10 ans, je savais que ces domaines seraient les miens. C’était une certitude ancrée en moi. Bien que je n’aie pas encore déterminé ma spécialité à l’époque, une chose était claire : l’injustice me révoltait. J’ai toujours été un idéaliste, croyant profondément en l’humanité et défendant ses intérêts avec ferveur. Les abus de pouvoir, les discriminations, tout ce qui rabaissait un être humain au profit d’un autre, m’étaient insupportables.
Au Bénin, mon pays, l’absence de justice a longtemps régné, et j’ai souvent constaté que le droit du travail était inexistant. J’avais 13 ans lorsque mon père a traversé une situation professionnelle particulièrement éprouvante, avant de se lancer à son propre compte. Il avait été victime d’un congédiement abusif, accompagné de manœuvres visant à détruire sa réputation, sans possibilité de se défendre. La jalousie en était la seule cause. Une leçon que j’ai apprise très tôt est que lorsque les gens ne peuvent pas vous attaquer sur votre compétence ou votre éthique, ils s’en prennent à votre intégrité en fabriquant des histoires pour vous nuire. Un jour, je raconterai cette histoire dans un livre. Bien qu’elle appartienne à mon père, elle est aussi la mienne, car elle a profondément marqué l’adolescent que j’étais, forgeant ma vision des relations employeur-employé.
Ceux qui me connaissent savent à quel point j’aime mon père et combien notre lien est fort. Ces trois années de difficultés ont été éprouvantes pour ma famille. Cette situation a affecté mes résultats scolaires. Nous avons dû faire appel à un avocat pour rétablir la justice. Mon père avait du mal à accepter cette démarche, à cause du faux lien fraternel qu’il entretenait avec ses supérieurs. Cette technique, malheureusement courante au Bénin, est utilisée par certains employeurs pour exploiter leurs employés avant de les abuser de la pire des manières.
Heureusement, ma mère, une femme forte que j’admire profondément, a pris les choses en main et a exigé que justice soit rendue. Mon père, un homme au grand cœur, souvent même naïf, a souvent été sauvé par sa bonté. Nous nous ressemblons autant que nous sommes différents. Lui croit en une justice divine, tandis que moi, malgré mon respect pour cette croyance, j’ai parfois du mal à croire qu’il y ait un Dieu pour les pauvres, si ce n’est les pauvres eux-mêmes.
C’est à ce moment-là que j’ai su, sans l’ombre d’un doute, que je serais un avocat défenseur plutôt qu’un juge ou magistrat. Cet épisode a confirmé mon choix et clarifié ma vocation. J’ai compris que je devais apprendre à me défendre et à trouver ma place dans ce monde impitoyable.
Depuis trois ans, j’ai choisi ma spécialité en droit : le droit du travail et la protection sociale. C’est un domaine qui me passionne profondément, et qui me pousse sans cesse à approfondir mes connaissances, tout en m’engageant activement dans des actions en lien avec cette spécialité.
